Vous venez de recevoir le Prix Jean Bayle-Lespitau de la Fondation de l’avenir pour vos travaux sur l’endométriose. Comment se manifeste cette maladie ?
Pr Michel Canis – L’endométriose est une maladie multiforme, très souvent douloureuse, fréquemment associé à l’infertilité, et dont la cause reste mal connue, bien qu’elle touche 10% environ des femmes entre la puberté et la ménopause. Elle se caractérise par une prolifération anormale de tissus de l’endomètre en dehors de l’utérus et provoque des fibroses.
Celles-ci entraînent des douleurs, car elles peuvent enserrer des nerfs, gêner la vascularisation de certains tissus, en particulier dans l’ovaire, avec des conséquences sur son fonctionnement.
La difficulté réside souvent dans le diagnostic, car c’est une maladie dont les signes ne sont pas du tout spécifiques. On a ainsi souvent considéré que les douleurs de règles étaient normales. Il y a d’ailleurs une pression sociale importante liée au travail. On ne permet pas aux femmes de dire « Aujourd’hui je ne peux pas faire mon travail, parce que j’ai mes règles et j’ai mal au ventre ». Dès lors, les femmes se censurent elles-mêmes et sont les premières à négliger cette douleur, ce qui est une des causes du retard au diagnostic.
Dans ce contexte, quel est l’objet de vos recherches ?
Pr Michel Canis –Nous travaillons depuis 2009 avec le soutien de la Fondation de l’avenir, qui nous a accordé plusieurs bourses. La dernière concerne les expressions géniques de l’endométriose, avec l’objectif de trouver soit des marqueurs sanguins pour un diagnostic plus précoce de la maladie, soit de nouvelles orientations thérapeutiques, en tous cas une meilleure compréhension physiopathologique de l’endométriose. Ces recherches sont essentiellement menées par Sachiko Matsuzaki, maître de conférences à l’université de Clermont-Ferrand.
Concrètement, nous regardons si le génome des cellules qui constituent la maladie a été modifié et si des gènes s’expriment plus ou moins dans ces cellules. Certains pourraient par exemple se transformer en protéines, qui pourraient alors devenir des marqueurs sanguins de la maladie. Nous cherchons à comprendre pourquoi ces cellules grandissent anormalement, ou pourquoi elles grossissent à certains endroits. L’endométriose peut en effet se loger dans le pelvis, sur les ovaires ou le vagin, mais aussi dans le tissu digestif pelvien. Elle se développe plus rarement à distance.
Où en sont vos recherches ?
Pr Michel Canis – Pour le moment, nous n’avons pas identifié de marqueurs susceptibles de poser le diagnostic via une prise de sang ou une biopsie de l’endomètre. Mais nous avons progressé dans la connaissance de la maladie. Nous savons par exemple que son aspect dépend de l’organe sur lequel elle se développe. Nous avons également des données sur l’incidence de la fibrose, c’est-à-dire du tissu fibreux et hypertrophique qui se forme autour de l’endomètre en situation anormale. Sa formation ressemble à celle des cicatrices et peut être responsable des douleurs.
On peut soigner l’endométriose avec des traitements médicaux qui soulagent les douleurs, mais ont l’inconvénient d’être contraceptifs. Une autre voie est la chirurgie. Si elle est bien réalisée, elle est efficace sur la maladie elle-même, et limite le risque de récidive.
Il est aussi possible de traiter les fibroses, mais ces traitements ne sont pas spécifiques de la fibrose de l’endomètre. Il faut alors être prudent car, chez une femme jeune, il y a certains effets secondaires que l’on ne peut pas accepter. Finalement, les espoirs thérapeutiques sont nombreux mais assez rarement concrétisés car ils reposent sur des mécanismes extrêmement ubiquitaires dans l’organisme. Tant que l’on n’obtient pas une action spécifique de site, il faut être raisonnable dans les risques thérapeutiques.
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