Perte d’autonomie : des restes à charge trop élevés

Les personnes âgées les plus dépendantes s’acquittent de restes à charge élevés pour pallier leur perte d’autonomie : 2.000 euros en moyenne en établissement et jusqu’à 4.000 euros à domicile, indique le 1er octobre 2018 l’Observatoire de la Mutualité Française. « Des propositions fortes seront bâties d’ici la fin de l’année », annonce son président Thierry Beaudet.

La dépendance liée au vieillissement constitue « un sujet prioritaire » pour 90% de la population, indique un sondage Harris interactive mené auprès des 45 ans et plus pour l’Observatoire 2018-Place de la Santé de la Mutualité Française, dont la deuxième édition est consacrée à la santé et à la perte d’autonomie.

Diffusé le 1er octobre 2018, ce document analyse notamment les impacts financiers du vieillissement. Il constitue une première étape dans la mobilisation du mouvement mutualiste en amont de la loi sur la dépendance annoncée pour l’année 2019. Comme la Mutualité Française l’avait fait pour le chantier du reste à charge zéro, « des propositions fortes seront bâties d’ici la fin de l’année », annonce Thierry Beaudet dans l’éditorial.

Alors que le nombre d’individus en perte d’autonomie devrait doubler d’ici 2060 pour atteindre 2,6 millions, 85% des personnes interrogées estiment que la dépendance n’est pas suffisamment prise en compte par les pouvoirs publics. Plus de sept Français sur dix se disent mal informés sur ce sujet, « mal préparés d’un point de vue financier, au risque de dépendance, que ce soit pour eux-mêmes (66%) ou pour leurs proches (63%) », précise l’enquête.

Un coût total de 30 milliards

En France, la prise en charge de la perte d’autonomie coûte 30 milliards d’euros. Cette somme est financée à hauteur de 23,7 milliards d’euros par les pouvoirs publics et la solidarité nationale, tandis que 6,3 milliards d’euros sont à la charge des ménages, rapporte l’Observatoire 2018.

Comment se répartissent ces 30 milliards d’euros ? Les dépenses de santé représentent 12,2 milliards d’euros, dont 99% sont prises en charge par les financeurs publics, tout particulièrement l’assurance maladie. Les ménages règlent 2,4 milliards d’euros sur les 10,7 milliards consacrés directement à la perte d’autonomie, via l’allocation personnalisée d’autonomie (Apa), la prestation de compensation du handicap (PCH) ou encore l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP).

C’est sur l’hébergement que les ménages sont majoritairement mis à contribution, avec 3,8 milliards d’euros financés sur un total de 7,1 milliards d’euros de dépenses. Le coût d’un hébergement en établissement coûte en moyenne 89.100 euros pour trois ans, soit près de 2.500 par mois en moyenne. Sur cette période, les aides publiques cumulées représentent 17.000 euros, les ménages doivent donc financer 72.000 euros en moyenne. En cinq ans, leur reste à charge atteint 120.000 euros pour un prix total de 148.400 euros. Les disparités régionales étant importantes, un habitant du département de l’Essonne aura à sa charge plus de 150.000 euros sur cinq ans !

Des disparités régionales

Pour une chambre seule en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le coût mensuel médian lié aux pertes d’autonomie les plus lourdes (Gir 1 et Gir 2) varie, selon les territoires, d’un peu plus de 2.000 euros à près de 3.800 euros. Par exemple, le tarif mensuel est de 2.050 euros dans la Meuse, contre 3.500 euros à Paris ou encore 3.800 euros dans les Hauts-de-Seine, en Guadeloupe et en Guyane.

Les restes à charge s’élèvent à 2.000 euros en moyenne, une fois prises en compte l’Apa ou l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Ils dépassent 3.100 euros à Paris et dans les Hauts-de-Seine. En comparaison, le salaire médian des retraités était de 1.770 euros par mois en 2015, rappelle l’Observatoire.

En cas de maintien à domicile, les restes à charge peuvent aussi grimper, en particulier lorsque l’état de santé de la personne dépendante nécessite une présence constante. En effet, bénéficier d’une aide à temps plein coûte 4.750 euros par mois.

En fonction de son revenu, la personne en situation de perte d’autonomie doit s’acquitter d’un reste à charge allant de 2.500 euros à plus de 4.000 euros. Si elle bénéficie de Apa, pour un montant maximal de 1.700 euros, et d’un crédit d’impôt de 6.000 euros au maximum par an, elle avance néanmoins les frais.

L'implication des aidants

Enfin, la prise en charge de la dépendance se traduit également par l’implication des aidants. Sur plus de 8 millions d’aidants estimés en France, « 4,3 millions de personnes aident une personne âgée de plus de 60 ans vivant à domicile, que ce soit en lui apportant une aide dans la vie quotidienne, une aide financière ou un soutien moral », détaille l’observatoire. La moitié d’entre eux se consacre à cette tâche « tous les jours ». Près d’un quart des aidants ressent « une charge moyenne ou lourde », pouvant aller jusqu’à l’arrêt complet d’une activité professionnelle.

Face à ces situations difficiles, leurs attentes sont multiples, tout comme celle des aidés, prévient l’Observatoire. Pour 81% d’entre eux, la priorité consiste à bénéficier de dispositifs d’accompagnement favorisant le maintien à domicile des personnes dépendantes. Autres attentes : le développement de structures d’accueil temporaire ou de jour, de maisons de retraites médicalisées ou de logements intermédiaires.

PAULA FERREIRA

© Agence fédérale d’information mutualiste (Afim)